24 mai

C'est la journée la plus moche depuis que je suis arrivé au Japon. Globalement, ça alternait entre petite pluie et grosse averse sans jamais s'arrêter. Pour commencer la journée, je vais au Musée d'Histoire et d'Arts de Takayama (je ne ferait pas l'affront de d'expliquer ce qui y est exposé...). C'est un musée assez sympa, partagé entre plusieurs bâtiments mais dont le passage de l'un à l'autre se fait toujours au sec (donc pratique pour aujourd'hui).

A l'origine un petit village perdu en montagne, Takayama a commencé à se développer en étant au croisement de deux routes commerciales majeures de la région. Parce qu'elle a apporté son soutient à Tokugawa Ieyasu lors de son ascension en tant que Shogun, la famille Kanamori reçue le domaine d'Hida en remerciement, y incluant la ville de Takayama. Kanamori Nagachika établi un château à proximité la ville, mais il n'en reste aujourd'hui plus rien.

Rapidement, la présence militaire fut renforcée avec l'arrivée de différentes familles de samourais (une classe sociale plutôt qu'une position), dont la famille Yajima (plus bas, ce sont des tenues leur ayant appartenu). Proche de Kanamori Nagachika, Yajima Moemon s'est vu confié la gestion des forêts détenues par la famille Kanamori, puis plus tard la gestion d'un des trois secteurs de la ville. Quand Tokugawa a prit le pouvoir, il ordonna à la famille Kanamori de revenir sur Edo, tandis que la famille Yajima continua de gérer la région, mais pour le compte du Shogun. A la chute du shogunat, elle perdit ses privilèges, et peu à peu commence à décliner jusqu'à vendre ses propriétés au cours du 20 ème siècle, lesquels furent rachetées plus tard par la ville afin d'en faire une partie du musée.

En parallèle, une famille de marchants commença a être de plus en plus prospère au sein de Takayama. A tel point que leurs donations pour participer à la construction de l'artillerie d'Odaiba (aujourd'hui un quartier de Tokyo) leur ont permis de se voir attribuer le nom de famille Nagata par la Shogun, privilège normalement réservé aux samourais. Le commerce de la famille continua de se développer et au début du 20 ème siècle elle avait un pied dans la banque, la production de bois, de soie et autres. Au même moment, le chef de famille, Nagata Kichiuenmon devint le premier maire de la toute nouvelle ville de Takayama (oui, parce qu'avant elle ne s'appelait pas Takayama et tout était divisé en trois secteurs).

Quand en 1875 un incendie ravagea 1300 habitations, dont la propriété de la famille, elle fut reconstruit avec les entrepôts résistants au feu en périphérie du terrain et la maison de la famille au centre de celui-ci. Il n'est pas dit ce qui est arrivé à la famille Nagata, mais l'ensemble de leur terrain a été utilisé pour devenir l'autre partie du musée.

A la fin du shogunat, le système de classes a été aboli et les familles de samourais furent forcée de retourner sur Edo. Leurs maisons et le château de Takayama furent détruits, laissant la champ libre au développement commercial et culturel de Takayama. La ville était particulièrement reconnue pour le talent de ses artisans. Elle développa entre autre la soie, le saké, la porcelaine et surtout le travail du bois. A tel point que la région d'Hida était la seule qui n'était pas forcée de payer ses impôts en riz mais en bois. De plus, chaque année, 100 charpentiers partaient pour Edo où ils étaient grassement payés (ils recevaient en 50 jours la nourriture nécessaire pour être nourri pendant 1 an).

Ce fut aussi à ce moment que les festivals commencèrent à se populariser. Parmi les plus importants, il y en a un tenu au printemps et un autre en automne où chaque quartier de la ville exposait son char ou son Jodai (version portée des chars). Si ce sont chaque année les mêmes chars qui sont présentés, près de la moitié d'entre eux a été perdue au cours de différents incendies. Ces chars étaient aussi surmontés de marionnettes manipulées par plusieurs personnes et plus tard des automates.

Point intéressant, car assez rare à l'époque, c'est la raison pour laquelle il existe encore une vieille ville traditionnelle c'est parce qu'à cette époque des loi locales sur l'urbanisme ont été mise en place. Les habitations devaient respecter certaines normes (dans les matériaux utilisés, les couleurs, etc...). En plus de cela, il faut qu'elle soient pratiques et adaptées à l'environnement local (zone très neigeuse), et du coup elles avaient des toits plus avancés afin de protéger les façades de la neige et des évacuations pile sous le bord des toits afin de récupérer l'eau une fois qu'elle fond. Les maisons étaient aussi pensées pour avoir le commerce au rez-de-chaussée et le logement aux étages. De plus, comme les maisons étaient étroites et profondes avec des fenêtres seulement en façade, des puits de lumière furent créés avec des sortes de petites tours sur le toit.

Et justement, après le musée, on peut visiter une "ancienne" maison d'un commerçant assez riche de l'époque (bon, en vrai elle a été reconstruite à partir de plans trouvés). Mais ça permet de mieux se rendre compte comment elles étaient construites. Et premier fait marquant, les pièces ne sont pas arrangées autours de couloirs, mais se succèdes les unes aux autres. Il était aussi fréquent d'avoir un "petit" sanctuaire dédié aux ancêtres de la famille, lequel était souvent monté sur roues afin de pouvoir l'extraire rapidement en cas d'incendie.

Et évidemment, ni double vitrage, ni chauffage centralisé à l'époque. En fait, les vitres n'étaient que du papier de riz (le même qui forme les portes à l'intérieur de la maison). Donc pour se chauffer, ils répartissaient des pots un peu partout dans la maison dans lesquels étaient placés des charbons. Ca plus les matériaux utilisés, je ne m'étonne plus que ça parle autant d'incendies. En fait, il paraît que la ville a été victime de 5 incendies majeurs ayant détruit une grande partie d'entre elle en seulement 100 ans.

Finalement, la journée est encore loin d'être terminée, mais le temps est devenu vraiment mauvais et il n'y a pas beaucoup plus de choses à voir sur Takayama elle-même. Du coup direction l'hôtel afin de me reposer un peu, demain je prendrais la voiture pour voir des endroits plus éloignés.